*L'elfe vérifiait son paquetage tandis que des chants et des rires sortaient de la maison de Tom Bombadil toute proche. Il leva les yeux vers les frondaisons et demeura ainsi un long moment, comme s'il cherchait à connaître sa destination en lisant dans les étoiles qui scintillaient entre les feuilles. L'arrivée d'un jeune hobbit le sortit de sa rêverie. Le hobbit lui apportait un petit sac de toile tel que ceux qu'on utilise pour conserver l'herbe à pipe.*
Oui, je suis Liorthen, jeune hobbit. Sathtrimis t'a parlé de moi et je vois que c'est elle qui t'envoie.
Il est vrai que l'on ne me voit pas souvent parmi vous à danser et à chanter. Je ne suis pas aussi gai que Tom et quand je passe ici, ce n'est jamais pour longtemps.
Je ne sais pas si je suis triste, mais souvent je reste là, comme tu m'as trouvé, perdu dans mes pensées.
C'est la nature des elfes, vois-tu. Notre temps est passé, il va falloir que nous laissions place aux hommes.
Mes parents sont partis il y a déjà longtemps vers les havres gris. C'était il y a déjà des siècles, en un temps où peu de monde avait entendu parlé des hobbits. Moi-même je fus tenté de les suivre. J'ai alors pris le chemin de l'Ouest et j'ai traversé la vieille forêt pour la première fois. La vieille forêt ressemblait déjà à ce qu'elle est maintenant, et en cherchant un sentier sûr dans ses profondeurs j'ai senti une présence bienveillante. J'ai fini par trouver Tom, qui m'attendait en fumant la pipe sur une vieille souche. D'abord, je n'ai rien saisi de ses comptines. Pour moi cela n'avait pas de sens. Mais j'ai fini par comprendre que le détachement de Tom par rapport aux choses du monde était la contrepartie de sa sagesse et de sa puissance. Rien n'a de prise sur Tom, pas même le temps. Et, si rien ne peut pourtant l'atteindre, il a cependant le don de soigner chez les autres les plus profondes blessures : le chagrin, les remords, les regrets, ou le desespoir.
Peut-être Tom m'a-t-il convaincu que mon départ était trop hâtif. Et des décennies plus tard, je pense que le destin des elfes n'était pas de fuir vers les havres gris, mais d'aider la jeune race des hommes à surmonter ses épreuves.
Je reviens de temps en temps dans la vieille forêt et je retrouve toujours avec plaisir les amis du vieux Tom. Je ramène quelques nouvelles, et diverses bricoles. Après quoi, je retourne vers l'Est. Après la guerre il sera temps de continuer ma route vers l'Ouest pour un dernier voyage, mais pour l'heure, j'ai à faire.
* Il passe la lanière de sa besace et vérifie qu'elle ne risque pas de se prendre dans la corde de son arc. et se penche vers le jeune hobbit.*
Tu remerciera Sathtrimis pour l'herbe à pipe. Elle sait qu'il est temps pour moi de partir, mais elle n'aime pas que je lui dise au revoir. Maintenant, retourne manger des gâteaux dans la maison.