Thorguiln marchait silencieusement - du moins aussi silencieusement qu'un nain le pouvait, ce qui aurait surement fait hurler Capuchette ou Lontharin - depuis le matin. Et pour la centième fois, il se demandait ce qui lui avait pris d'accepter d'aider ce hobbit de Grandcave. Ce devait être un simple message à transmettre. A un parent de Sacregris ...
Thorguiln commencait à le deviner : dans les Landes, rien n'était jamais simple ! Il ne cessait de faire des tours et des détours pour éviter les patrouilles d'orcs ou de trolls qui circulaient dans la région, bien trop nombreux pour pouvoir être attaqués sans courir au suicide ! Il avait même rencontré de gigantesques araignées qui, il en était sûr, auraient volontiers gouté à la viande de nain ! Il avait en horreur ces insectes, quelquesoit leur taille.
Au détour d'un chemin, plus tôt dans la matinée, il était tombé directement dans un campement d'orc. Après avoir occis les plus proches, il n'avait eu la vie sauve qu'en fuyant. Si il n'était pas tombé miraculeusement dans le ravin recouvert de branchages, il aurait été surement rattrapé. Il aurait bien sûr chèrement vendu sa vie, mais la fin du combat en était pourtant inéluctable. Depuis, il multipliait les précautions, et n'avancait que très précautionneusement.
Pour l'heure, Sacregris était en vue. Il pourrait bientôt souffler un peu, remettre le message et s'en retourner vers des contrées plus hospitalières. Il mériterait bien une bonne bière fraiche lorsque tout cela serait fini. Malheureusement, il lui restait un léger détail à régler. Les peuples libres de Sacregris semblaient combattre au loin des hordes de monstres. Il aurait bien été leur prêter main forte, mais il était coincé. Devant lui se trouvait un groupe de créatures assez hétéroclites. Cela faisait un moment qu'il les observait. Il y avait un orc à la peau grise du nom d'Arkhoum. Il était accompagné de deux araignées monstrueuses, qui semblait répondre au doux nom d'Holocnemus et Nyste. Ils semblaient attendre quelquechose, ou quelqu'un et l'empêchaient d'atteindre Sacregris.
L'orc commencait à s'impatienter. il piétinait et poussait régulièrement une sorte de cri de rage : Krahun ! Krahun !
Thorguiln aussi s'impatientait ! Il n'était pas dans sa nature de rester à ne rien faire. Il allait se redresser et foncer dans le tas, lorsqu'il entendit non loin de sa nuque un grondement inquiétant. Il eut à peine le temps de se retourner et d'entrapercevoir un mufle monstrueux, recouvert de bave sanguinolente, et un tas de fourrure plus ou moins grisatre. Un ouargue. Un éclair de compréhension : Krahun. C'était le nom du ouargue qui l'attaquait. Probablement lui que les trois monstres plus bas attendait ...
"Par ma barbe, ces batards filent même des noms à leur clébards !"
Le ouargue passa à l'attaque avant que Thorguiln ne puisse se retourner complètement. L'attaque fut brutale et sans pitié. Avant de sombrer dans l'inconscience, Thorguiln eut une dernière pensée pour son ami.
"Lontharin, mon vieil ami de toujours. Si tu avais été là, je ne me serais jamais fait surprendre comme un bleu ... J'aurais dû apprendre à tes cotés."
Les chocs, les secousses, la douleur, l'agitation autour de lui, puis le noir total.
...
Le réveil. Dur et brutal.
Thorguiln ouvre ses yeux tuméfiés, surpris et heureux d'être toujours vivant. Le cadre alentour est trop propre et trop bien tenu pour appartenir aux noires cohortes. Il est surement chez des amis. C'est rassurant.
Il se lève du lit douillet dans lequel il est couché. Il titube jusqu'à ces affaires, ouvre son sac, et s'enfile cul sec sa gourde de bière de Brombur. Le mal de tête ne devrait plus tarder à disparaitre.
Lorsqu'il se sent mieux, il se lève, sort de la chambre et est accueilli par deux charmants hobbits à l'air sévère, qui lui explique qu'il a été découvert en pleine déroute des armées de Mordor. Après la bataille, les hobbits de Sacregris ont fait le tour de la région pour ramasser leurs morts, soigner les blessés et achever les ouargues, trolls, orcs, araignées blessés. C'est là qu'ils sont tombés sur lui, en piteux état, déchiré par les griffes et les crocs de l'immonde ouargue, une entaille déchirant désormais son arcade sourcillière.
KRAHUN !
Ce nom sonne maintenant comme un cri de guerre. Thorguiln a un compte à régler avec ce corniaud. Pour l'heure, il va s'en aller des Landes d'Etten accompagné d'une escorte de valeureux semi-hommes. Il va aller chez Sathtrimis, sa soeur de coeur, panser ses blessures et fourbir sa hache.
Et il reviendra... oui il reviendra. Krahun, un nouveau nom à inscrire sur la dernière page du Grand Livre des Rancunes.
"Krahun, animal honni, je jure devant ma forge que j'aurais ta peau ! Ta tête décorera les murs de notre maison de confrérie ! J'y mettrais le temps qu'il faudra, mais je t'aurais ! Moi ou un amis de Tom... C'est pareil pour moi !"